La Transparence Climatique : enjeux et défis à la COP29


Depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, la transparence dans les actions climatiques des pays s’impose comme une priorité incontournable. Le Cadre de Transparence Renforcé (CTR), établi par cet accord, constitue un outil central pour mesurer, vérifier et rendre compte des efforts déployés par chaque nation dans la lutte contre le changement climatique. À l’occasion de la COP29 de Bakou, ce cadre entre dans une nouvelle phase avec la présentation des premiers rapports biennaux. Ces documents détaillent les engagements financiers, les réductions d’émissions et les initiatives climatiques mises en œuvre par les pays.

L’objectif principal du CTR est de renforcer la confiance entre les nations, en garantissant que chaque signataire respecte ses engagements climatiques. Pour ce faire, deux axes sont privilégiés : la mesure des émissions de gaz à effet de serre (GES) et la transparence financière afin de s'assurer que les fonds promis aux pays en développement sont réellement mobilisés. Cependant, sa mise en œuvre rencontre des difficultés majeures. Des rapports incomplets ou des données imprécises continuent de compromettre cette confiance. Une étude du Climate Action Tracker (CAT) montre que certains pays, comme le Brésil ou la Russie, présentent des plans d’action insuffisants pour limiter le réchauffement à 1,5 °C. Pire encore, certains sous-estiment leurs émissions ou surestiment leurs contributions financières, minant les ambitions globales de l’Accord de Paris.

Dans ce contexte, des exemples inspirants méritent d’être soulignés. Le Danemark et la Nouvelle-Zélande se distinguent par des rapports détaillés et des pratiques exemplaires en matière de transparence. Le Danemark, avec son « Climate Programme 2024 », et la Nouvelle-Zélande, grâce à un cadre législatif imposant la transparence aux entreprises, montrent que des politiques ambitieuses et des obligations légales peuvent encourager des pratiques responsables. Le Danemark s’est même doté d’une loi climatique fixant des objectifs contraignants de réduction des émissions de CO2 d’ici 2030.

Malheureusement, ces exemples restent l’exception. En 2022, un rapport de Transparency International a révélé que certains fonds climatiques ont été détournés vers des projets sans lien direct avec la lutte contre le changement climatique. Ces abus, observés dans des initiatives comme les Just Energy Transition Partnerships (JETPs) en Afrique du Sud, en Indonésie et au Vietnam, mettent en lumière des failles systémiques. Le rapport recommande des évaluations des risques de corruption et des mécanismes de responsabilité pour garantir l’utilisation adéquate de ces financements.

Face à ces défis, la COP29 met l’accent sur des solutions concrètes. L’une des priorités est le renforcement des capacités techniques pour les pays en développement, souvent en manque de moyens pour collecter et analyser les données climatiques. Le Fonds Vert pour le Climat est appelé à jouer un rôle accru. Par ailleurs, des systèmes de vérification indépendants, inspirés des pratiques européennes, pourraient être instaurés pour évaluer les rapports soumis. Ces mesures seraient complétées par des sanctions visant les pays retardant leurs engagements ou manipulant leurs données .

La transparence financière reste un autre point critique. Bien que l’Accord de Paris ait fixé un objectif de 100 milliards de dollars par an pour soutenir les pays en développement, un rapport de l’OCDE révèle que seuls 83 milliards ont été mobilisés en 2023. Une partie de ces fonds n’a pas été attribuée de manière appropriée, mettant en évidence la nécessité d’un suivi rigoureux.

Des initiatives comme le Climate Finance Transparency Initiative (CFTI), menées par l’Allemagne et le Canada, visent à améliorer la transparence dans l’allocation des fonds climatiques. Le Fonds pour l’Environnement Mondial (GEF), en publiant des rapports détaillés sur l’utilisation des financements, offre un modèle à suivre pour les autres institutions.

Cependant, les gouvernements ne sont pas les seuls acteurs concernés. Le secteur privé joue un rôle croissant dans la transparence climatique. Des entreprises comme Microsoft et Unilever montrent qu’il est possible d’allier responsabilité environnementale et rentabilité. Par exemple, Microsoft s’engage à devenir carbone négatif d’ici 2030 grâce à des initiatives telles que l’achat d’énergies renouvelables et le stockage d’énergie. De son côté, Unilever vise zéro émission nette dans sa chaîne de valeur d’ici 2039, avec des solutions innovantes pour réduire son empreinte carbone.

La transparence climatique n’est pas une fin en soi, mais un levier pour garantir la justice et l’efficacité dans la lutte contre le changement climatique. À Bakou, il s’agira d’adopter des mesures concrètes pour harmoniser les pratiques internationales, imposer des cadres légaux contraignants et renforcer les mécanismes de suivi. Comme le soulignait Laurence Tubiana, architecte de l’Accord de Paris : « La transparence est le ciment de l’ambition climatique. Sans elle, les promesses restent vides, et l’espoir d’un avenir durable s’effrite. »